leadershop

leadershop

diversification en microfinance

Crédit aux très petites entreprises

Enjeux pour les IMF

Le financement de la très petite entreprise (TPE) est souvent considéré, à juste titre, comme le chaînon manquant entre les banques formelles et les IMF :

  • On sait que le segment de marché des TPE a très peu accès au crédit formel, car le financement des TPE appelle des techniques spécifiques (notamment parce que les garanties classiques, ainsi que l'analyse des dossiers et le suivi des remboursements bancaires 'types' sont inadaptés). Il s'agit d'un métier en soi différent de celui des banques classiques, qui connaissent mal ce segment en général.

  • Aujourd'hui, les IMF ne couvrent encore que très partiellement les besoins de ce segment. Les IMF ciblent majoritairement le microcrédit et le court terme. Elles disposent en général de produits adaptés pour financer la trésorerie des activités génératrices de revenus (AGR) et de la microentreprise (pour donner un ordre de grandeur, crédits court terme inférieurs à 1500 euros). Cela couvre une partie des besoins des TPE, mais une faible partie seulement.

Les services financiers destinés à ce créneau des TPE encore peu couvert, entre microcrédit et services bancaires classiques « macro », sont souvent dénommés sous le vocable de « mésofinance ».

De plus en plus toutefois, des IMF viables diversifient progressivement leur offre de produits pour répondre plus largement aux besoins des micro et petits entrepreneurs. Il y a à cela des raisons multiples (maturité de ces institutions, concurrence croissance, prise de conscience de la diversité des besoins des clients et de la nécessité d'adapter les services pour fidéliser ces derniers). D'autres institutions financières, spécialisées, se créent également en ciblant directement ce segment de marché.

Pour comprendre

  • TPE : de quoi parle-t-on ?

    La définition des « très petites entreprises » suscite des interprétations variées. Or il est évidemment clé, pour une institution financière, de connaître cette cible pour pouvoir correctement répondre à sa demande.

    L'une des références les plus répandues, pour distinguer les TPE entre microactivités et entreprises de plus grande taille, couvertes par le secteur bancaire, est une définition multicritères, synthétisée dans le tableau ci-dessous.

    Typologie des entreprises (atelier de Ouagadougou, Juin 1997)

    Caractéristiques Micro enterprises Très petites entreprises (TPE) Moyenne entreprise
    Micro entreprise Petite entreprise
    Promoteur Attitude liée à l'acquisition de revenus de subsistance ou complément de revenu Acquisition de revenu dans une activité spécialisée Attitude entrepreneuriale dès la constitution Attitude entrepreneuriale, vision à moyen et à long terme
    Pas de compétences particulières Compétences techniques simples Certaines formes d'expertise Capacité technique et de gestion
    Auto emploi Auto emploi + parfois famille ou apprentis Patron + famille + apprentis + salariés Patron + personnel
    Activités Micro service ou commerce de détail. Activité complémentaire, temporaire ou saisonnière Une activité principale, petite taille, parfois saisonnière Activité bien définie et exercée à plein temps Activité spécialisée, parfois diversifiée, exercée à titre de profession habituelle
    Environnement / Intégration Absence de statut, mais paye parfois des taxes commerciales Statut non clairement défini, mais paye souvent des taxes (patentes, etc.), parfois inscrit au Registre du Commerce Début de légalisation, souvent enregistrée (Entreprise Individuelle), paiement d'impôts, existence d'organisations professionnelles Enregistrée (chambre de commerce, etc.), parfois en Société
    Barrières d'Entrée dans l'activité Très faibles, surtout de la force de travail Technologies simples Technologies simples avec investissement Plus grande complexité technologique et/ou production en (denu) série
    Absence de local (rue, domicile ou marché) Moyens de production élémentaires (petit outillage), parfois sans local permanent Investissement et équipements légers (énergie électrique) + local permanent Moyens de production relativement adaptés, site spécialisé
    Pas de besoin en capital – Petit fonds de roulement de départ Fonds de roulement (stocks, matières premières), besoin de renouvellement de petit matériel Capital (équipement (loyer, matières premières, etc.) Capital important (local, équipement, formation) et fonds de roulement parfois très important. Réelle intensité capitalistique
    Potentiel d'évolution Très faibles ou inexistant. Activités généralement féminines Faible ou diversification horizontale des activités. Logique de reproduction plutôt que de croissance Début d'accumulation de capital, parfois avec un potentiel de croissance mais plutôt logique de reproduction (transmission familiale, etc.) Potentiel d'accumulation et de croissance

    Alors que le développement des micro entreprises répond essentiellement à un objectif de lutte contre la pauvreté par la création et l'augmentation de revenus, le développement des TPE répond également à d'autres enjeux :

    • elles jouent un rôle déterminant dans la création d'emplois et l'intégration sociale notamment pour les jeunes, une problématique clef en milieu urbain

    • elles contribuent de manière significative à la croissance économique nationale et locale.

  • Des initiatives de la part des IMF, banques et institutions spécialisées, pour mieux desservir les TPE

    Des exemples d'initiatives encourageantes d'IMF se multiplient, vers le secteur des TPE. Un exemple significatif est celui d'ACEP au Sénégal, qui a choisi d'augmenter progressivement son plafond de crédit pour le porter à 15 millions de FCFA tout en étendant parallèlement le délai maximum de prêt à 18 mois. L'individualisation des prêts, caractéristique d'ACEP par rapport à d'autres IMF qui réalisent des crédits fondés sur des garanties de groupes, lui a permis de modifier son offre pour suivre l'évolution des besoins d'une fraction de sa clientèle (demeure une faible part de son portefeuille).

    Quelques institutions spécialisées dans le financement de ce secteur se sont développées ces dernières années obtenant de bons résultats en terme de remboursement comme de rentabilité de l'institution. A coté du développement d'institutions spécialisées, une des problématiques clefs consiste donc aujourd'hui à accompagner des institutions non spécialisées qui le souhaitent (banques ou IMF) dans le développement d'un guichet et d'une offre de financement adaptée aux TPE.

  • La nécessité d'une offre diversifiée

    On s'accorde aujourd'hui à reconnaître que le financement des petites entreprises ne repose pas sur un produit standard, mais sur une combinaison de produits possibles : crédit d'équipement, mais aussi leasing et rétro leasing (voir la partie Crédit bail de ce dossier), et autres solutions innovantes :

    • Certaines institutions, dans des conditions favorables (filières intégrées, entrepreneurs appuyés par des projets ou des dispositifs d'appui, structuration forte du milieu professionnel), financent avec succès le crédit équipement moyen terme des micro et petites entreprises (expériences de la FECECAM avec la filière coton ou la filière anacarde, financement de la transformation de produits agricoles par le Crédit rural de Guinée en lien avec le PASAL, expériences de leasing de la Grameen Bank).

    • Le crédit-bail ou leasing est une solution qui permet, notamment, de contourner le problème de garantie que rencontrent les IMF souhaitant répondre aux besoins des TPE en crédit moyen terme (voir la partie Crédit bail de ce dossier).

    • Un certain nombre d'IMF déjà consolidées mettent en place, en complément, des outils innovants pour financer le cycle d'exploitation des petites et moyennes entreprises : association de caution mutuelle des opérateurs commerciaux et des transformateurs des filières de produits vivriers en Guinée et fonds de garantie des artisans pêcheurs affiliés aux coopératives de pêche de l'UCOPAD financés par le Crédit rural de Guinée (CRG).
Risques / Recommandations

Le financement des TPE appelle des techniques spécifiques. Pour évoluer vers le segment des TPE, les institutions financières doivent intégrer plusieurs contraintes :

  • L'évolution vers le segment des TPE implique un changement de métier. Les méthodologies des IMF, définies pour le micro crédit, ne sont souvent plus adaptées dès lors que l'on parle de crédits plus importants, sur une durée plus longue. Le financement de l'investissement impose un certain temps d'analyse du projet car la décision de crédit ne pourra plus se faire uniquement sur la base de l'histoire de crédit partagée avec l'entrepreneur (progressivité des crédits) une fois que les sommes deviennent plus importantes. D'autre part, la réalisation des garanties devient également plus laborieuse et plus aléatoire, la caution solidaire / de groupe en particulier n'étant plus une solution adéquate. L'augmentation du plafond induit donc généralement des problèmes d'analyse technique des dossiers soumis, d'où un nécessaire recours à la sous-traitance technique ou à une spécialisation des cadres sur ce thème.

  • La création d'un département spécialisé TPE au sein de l'IMF, séparé des activités de microfinance, sera une option souvent recommandée.

  • L'IMF doit disposer de ressources suffisantes pour :

    • former son personnel à la gestion et à l'étude de dossier des TPE,
    • supporter l'octroi de crédits de montants plus importants, et à plus long terme,
    • supporter des coûts de transaction et de suivi plus importants.


  • Un problème d'accès aux ressources long terme se pose également pour ces institutions, qui disposent essentiellement de ressources à court terme, et sont peu disposées à se centrer sur des emplois à moyen et long terme.

  • L'activité de prêt aux TPE exigera donc un investissement important en efforts et en argent ; il y a donc un risque de « cannibalisation » de l'activité de microfinance par le lancement d'une offre pour les TPE, et l'IMF devra analyser correctement l'investissement à mener, par rapport à sa clientèle cible et sa mission.

  • Enfin, se pose la question du nécessaire couplage entre services financiers et services d'accompagnement non financiers de l'entrepreneur : quels appuis non-financiers offrir (entre l'appui en comptabilité-gestion et les services de recherche et développement, d'appui à la commercialisation, de formation professionnelle, etc.) ; comment financer de façon pérenne ces fonctions d'appui (part prélevée sur le coût du crédit, part externe prise en charge par la filière?).

Toutes les IMF ne peuvent donc se lancer sur ce segment du financement des TPE : pour débuter, il est préférable de privilégier les entreprises saines, ayant une activité établie (par exemple, depuis plus de cinq ans), et ne présentant pas des risques trop élevés.

L'estimation correcte du coût et des moyens nécessaires à cet investissement devra être réfléchi en tenant compte de la mission de l'IMF, de la concurrence, des ressources disponibles.

Il est par ailleurs crucial pour l'IMF, en préalable à toute réflexion sur ce créneau des TPE, de bien analyser le cadre légal et réglementaire du pays. Une IMF qui, pour ses activités traditionnelles de microfinance, est régie par une législation spécifique, pourra tomber sous le coup de la législation bancaire générale pour le financement des TPE…

Exemples

BRAC (Bangladesh) : la montée en gamme d'une IMF

BRAC, la plus importante IMF du Bangladesh, propose à ses plus gros clients un produit spécifique, le Mela. Fin 1999, le portefeuille «Mela» de BRAC représentait 3,5 millions de $ US et 4 700 emprunteurs. Le taux de prêts en souffrance était faible (0,6%).

Le succès de BRAC sur le segment des TPE s'explique en partie par le fait que le personnel a pour consigne d'éviter le moindre risque, et attache une grande importance à l'analyse de l'entreprise du client. Les prêts sont accordés contre garanties substantielles. Enfin, la faible concurrence sur ce segment permet à BRAC de sélectionner les emprunteurs au meilleur potentiel.

BRAC a pour projet de créer la Brac Bank, centrée sur les activités de prêts aux PME (de 10 000 à 200 000 $US). BRAC dispose déjà de sérieux atouts pour ce projet : une infrastructure de distribution déjà consolidée, en milieu urbain et rural, une connaissance de son marché, une image de marque affirmée, un personnel formé et un système de management rodé.

Source : Rossin N, traduction et synthèse du document Best practices in financial innovations for SMEs, secrétariat de la conférence des NU sur le commerce et le développement, 2001 ; fiche Mésofinance.

Un « guichet TPE » : l'exemple de Banco Ademi, en République Dominicaine

Ademi a été créée en tant qu'ONG spécialisée en microfinance en 1982 ; elle a commencé de financer des TPE à partir de 1992. Banco Ademi a créé un département spécialisé avec un directeur propre, pour les crédits aux TPE, entre 36 000 et 250 000 dollars US (montant moyen 52 700 $) ; les micro-crédits « classiques » d'Ademi étaient d'un montant maximum de 2 000 $. Cette décision d'un département autonome traduisait une volonté à la fois d'accompagner les clients les plus avancés de microfinance, et de pénétrer plus avant le marché des TPE directement.

Banco Ademi a choisit de réduire ses risques en se concentrant dans un premier temps sur les entreprises qu'elle suivait déjà depuis un certain temps, ainsi que sur les TPE ayant déjà passé le cap critique des cinq premières années d'existence. Banco Ademi a maintenu également plusieurs règles de prudence : croissance très progressive du montant et de la durée des prêts ; détail précis des garanties requises. Le personnel de Banco Ademi a été formé spécifiquement à la gestion des TPE, et peut fournir une assistance technique (rapports financiers, inventaires, marketing, etc.). Cette politique a permis à Banco Ademi de développer ses crédits aux TPE, tout en maintenant une qualité de portefeuille comparable au département microcrédit (taux de non remboursement de 0,9% seulement). Entre 1992 et 2000, Ademi a prêté à 400 TPE.

A fin 1999, Banco Ademi avait 14 000 clients en cours pour un portefeuille de 42 millions de $ US.

Source : Rossin N, traduction et synthèse du document Best practices in financial innovations for SMEs, secrétariat de la conférence des NU sur le commerce et le développement, 2001 ; fiche Mésofinance.

Un exemple concret des difficultés rencontrées : le projet PULSE (Peri-urban Lusaka Small Enterprise) en Zambie

Lancé en 1994, le projet PULSE visait à offrir des services de microfinance aux populations pauvres de la périphérie urbaine de Lusaka, avec des prêts en moyenne de 200 à 600 $ US. Pulse a progressivement augmenté la taille de ses prêts, jusqu'à environ 10 000 $. Pulse fournissait des crédits aux membres de la Lusaka Province Small Business Association (LPSBA), qui avaient reçu une formation organisée par USAID. Les prêts étaient octroyés sans garanties ou contreparties, mis à part des frais d'assurance et de dossier. La LPSBA s'engageait toutefois à garantir les emprunts de ses membres, mais n'a pas mis en place de réel mécanisme de prise en charge du risque.

Un audit en 1999 a révélé que la plupart des emprunteurs de PULSE dans le cadre de ce programme étaient défaillants, et les tentatives pour recourir aux garanties de la LPSBA ont été vaines. Le rapport d'audit a identifié plusieurs failles :

  • les agents de Pulse n'avaient pas été suffisamment formés aux techniques spécifiques de prêts aux TPE (étude de dossier, suivi des remboursement…),

  • le fonctionnement et la structure de Pulse n'avait pas évolué, d'une activité de microcrédit à celle de prêt aux PME : capacités financières et administratives insuffisantes, absence de mécanisme de garantie collective, etc.

Source : Rossin N, traduction et synthèse du document Best practices in financial innovations for SMEs, secrétariat de la conférence des NU sur le commerce et le développement, 2001 ; fiche Mésofinance.

Pour en savoir plus

    Crédit bail (ou leasing)

    Enjeux pour les IMF

    Le crédit-bail ou leasing (on parle également de « location-vente ») est une opération simple, pratiquée depuis longtemps dans de nombreux pays. C'est une alternative au crédit moyen terme classique pour l'équipement, qui permet de lever la contrainte de la garantie. Aujourd'hui des institutions de microfinance ajoutent ce produit à leurs services financiers à destination des microentrepreneurs : le crédit-bail s'avère être un produit utile en complément du crédit, et maîtrisable par les IMF, pour peu que sa mise en œuvre respecte certaines conditions.

    L'enjeu est aussi pour les IMF, par ce type d'outils, de pouvoir mieux s'adapter aux besoins spécifiques de clientèles encore peu desservies, et en particulier :

    • le leasing est un produit assez intéressant pour cibler les micro et très petites entreprises, (voir la partie sur crédit aux petites entreprises) qui opèrent dans le secteur informel et ne peuvent bénéficier des avantages de l'amortissement des équipements.

    • Son application en milieu rural est également une piste pertinente, pour le financement des petites entreprises agricoles. Le dossier thématique « Finance rurale et agricole » consacre l'une de ses parties au financement des petites entreprises rurales, reprenant ce thème du leasing en particulier.

    Pour comprendre
    Le crédit-bail est un arrangement contractuel permettant à une partie (le preneur) d'utiliser un actif appartenant à une société de crédit-bail (le bailleur), moyennant le paiement de loyers d'un montant convenu.

    Le dispositif se caractérise principalement par le fait que le droit de propriété (détenu par le crédit-bailleur) est dissocié du droit d'usage économique (détenu par le preneur) du bien en location.

    Le crédit-bail tel qu'il est couramment pratiqué fait généralement intervenir une société de leasing, donc une organisation spécialisée.

    Dans quelles conditions une institution de microfinance peut-elle ajouter ce service à sa gamme de services d'épargne et de crédit ?

  • Crédit-bail et crédit d'équipement : deux approches du financement des investissements
    Le crédit-bail et le crédit d'équipement correspondent à deux formes différentes de financement, la principale différence résidant dans la manière dont l'acquisition de l'actif est financée. Dans le cas du crédit-bail, le bailleur est propriétaire de l'actif et bénéficie des avantages de l'amortissement (il peut répercuter ces avantages sur le preneur en diminuant le montant de ses loyers). L'entreprise preneuse a la possibilité, au terme du contrat, d'acheter l'actif à sa valeur marchande résiduelle ou de prolonger la location.

    Dans le cas du crédit d'équipement, l'entreprise est propriétaire de l'actif, bénéficie de l'amortissement et le bailleur détient un droit sur les actifs en garantie tant que le crédit n'est pas totalement remboursé.

  • Quels sont les avantages comparatifs du crédit-bail ?
    • Crédit-bail :

      • L'équipement loué suffit généralement à garantir l'opération de leasing. La propriété de l'actif constitue pour le bailleur une sûreté solide.

      • L'utilisateur final transfère généralement les risques d'obsolescence au bailleur propriétaire

      • L'opération de leasing ne nécessite le versement d'aucun acompte (ou peu élevé) et seule la valeur de l'équipement est financée. Celle-ci diminue normalement dans le temps. Le client a généralement la possibilité d'acheter l'équipement à sa valeur résiduelle au terme de la période de leasing.


    • Crédit d'équipement :

      • Cette formule exige souvent la constitution d'une garantie

      • L'utilisateur final assume tous les risques de dévaluation de l'équipement

      • A la signature du contrat de prêt, le client doit verser un acompte. Le prêt finance le montant résiduel.
    Le crédit-bail peut compléter utilement les services de crédit offerts par une IMF. Il est généralement bien adapté aux entreprises faiblement fiscalisées comme les microentreprises, qui la plupart du temps opèrent dans le secteur informel et ne sont pas en mesure de bénéficier des avantages de l'amortissement des équipements. Par ailleurs, pour octroyer un crédit-bail, l'IMF tient davantage compte de l'aptitude du preneur à générer des rentrées de fonds suffisantes pour acquitter le loyer que de son historique de crédit, ses actifs ou sa base de capital.

    Ajouter ce produit supplémentaire à ses services implique naturellement un certain nombre de contraintes voire d'inconvénients pour l'IMF, par exemple :

    • Contraintes liées à la possession du matériel : c'est sur l'IMF que se reportent les coûts associés à l'obsolescence ou à la dévaluation des actifs.

    • Capacité de mesure de la valeur résiduelle des actifs : la mesure de la valeur résiduelle est cruciale puisqu'elle détermine le gain ou la perte potentielle pour l'IMF et donc le degré de rentabilité de l'opération de leasing.
  • Pour quels clients ?
    Les produits de crédit-bail ne sont pas adaptés à tous. Les clients prenant leur premier ou deuxième prêt et ayant besoin de crédit de trésorerie seront rarement concernés. Le crédit-bail s'adresse davantage aux clients qui sont en mesure de rembourser un prêt plus important sur une période plus longue. Il intéresse surtout les clients pour lesquels les produits de microcrédit classiques ne sont plus adaptés et qui ont le potentiel d'accroître leur production et la qualité de leurs produits en utilisant des équipements plus sophistiqués.

    Le client type serait :

    • Un client ayant emprunté à plusieurs reprises et se trouvant au moins au troisième cycle de prêt :

      • Qui a l'expérience suffisante pour utiliser et gérer l'équipement loué,

      • Qui est en mesure d'en assurer la maintenance,

      • Qui dispose des revenus supplémentaires ou de l'épargne suffisante pour assurer le versement des loyers.
    Risques / recommandations
    Si les formules de leasing permettent, par rapport au crédit d'équipement, de lever la contrainte de la garantie, elles n'en comportent pas moins des risques dont l'IMF doit se prémunir. Le leasing implique notamment une gestion d'actifs qui requiert une compétence spécialisée.

    Les principaux risques sont pour l'IMF :

    • Un contrôle insuffisant de la valeur à l'achat : mauvais état ou surévaluation des biens acquis par l'IMF et cédés en leasing, voire transaction frauduleuse pouvant impliquer des acteurs de l'IMF ;

    • Un litige sur la propriété : le vendeur auprès duquel l'IMF achète le bien ne dispose pas toujours d'un titre de propriété légal (bien hérité, en copropriété, ...), ce qui peut conduire à des litiges, des abus, des contentieux ;

    • Une défaillance du fournisseur de matériel en garantie et en maintenance ;

    • Un mauvais entretien ou utilisation du bien en location vente qui conduit à sa détérioration ;

    • Une difficulté d'application du statut de la location vente : à Madagascar notamment (voir l'exemple des CECAM plus loin), le statut de la location vente inscrit dans la loi bancaire est mal connu par l'environnement judiciaire, ce qui entraîne une difficulté d'application du retrait de bien en cas de défaillance du locataire.
    Par ailleurs, le crédit-bail n'est pas une forme « passive » de crédit, et suppose une approche commerciale.

    Ce type de crédit comporte un risque supplémentaire pour l'IMF (montants en jeu plus importants, maîtrise technique de l'équipement par l'emprunteur indispensable) si bien que la sélection des emprunteurs et le suivi soient essentiels.

    C'est pourquoi les IMF cherchant à offrir des services de crédit-bail à leurs clients ont tout intérêt à se spécialiser dans une gamme limitée d'équipements et à choisir les circuits de distribution les plus appropriés.

    Exemples

    La location-vente mutualiste des CECAM (Madagascar)

    Les CECAM de Madagascar sont une mutuelle de crédit agricole. Initié en 1991, le réseau des CECAM comptait fin 2001, 41 000 sociétaires dans 164 caisses locales. Le réseau est organisé en 6 Unions Régionales (URCECAM), fédérées en une Union Interrégionale (UNICECAM). Le capital social des CECAM est de 6 milliards de FMG, l'épargne est de 8 milliards, l'encours moyen annuel de crédit de 23 milliards.

    Les CECAM offrent du crédit de campagne pour la production agricole, des crédits de stockage, des crédits de court terme pour activités para-agricoles et commerciales, des crédits sociaux, ainsi que des crédits pour l'acquisition de matériel de production, la location vente mutualiste (LVM).

    La location vente mutualiste a été initiée en 1991 ; en 2001, elle représentait un encours de 4,7 milliards de francs malgaches (FMG), soit 20 % du portefeuille des CECAM pour 1 780 bénéficiaires. Le montant moyen d'un contrat LVM (2,5 millions de FMG) est relativement élevé au regard des autres crédits consentis par les CECAM. Si les volumes sont importants, la LVM ne touche cependant que 11,5 % des membres bénéficiaires de crédit et 4,3 % du total des membres.

    Les biens financés sont majoritairement liés à l'activité agricole (herses, charrues, charrettes, semoirs, vaches laitières, bœufs de trait, couveuses) et à la première transformation des pro-duits agricoles (décortiqueuses, broyeur, presses à huile,...) ; sont aussi financés des biens d'équipement pour l'artisanat et le commerce, ainsi que pour l'économie familiale (machines à coudre, réfrigérateurs, congélateurs, ...). Les modalités d'octroi de la LVM s'appuient forte-ment sur le caractère mutualiste du réseau :

    • La demande de crédit est présentée par un individu, mais doit être validée soit par le groupement mutualiste auquel l'individu appartient, soit par les élus de la CECAM locale ; la demande est ensuite instruite au niveau local de la CECAM ou au niveau régional selon le montant du prêt envisagé.

    • Les critères de sélection de l'emprunteur par les CECAM mettent l'accent sur la fiabilité de l'emprunteur (confiance de ses pairs dans sa capacité d'honorer le contrat, respect antérieur de ses engagements de membre de la CECAM, ...), ainsi que sur la faisabilité et la rentabilité du projet présenté. L'analyse du projet prendra une importance plus grande si le montant de l'emprunt est élevé.

    • Selon les cas, une garantie d'un montant variant entre 50 et 150 % du montant de l'emprunt sera demandée ; l'identification et l'évaluation de la valeur du bien proposé en garantie sera réalisée par les élus de la CECAM locale ; la caution de deux ou trois personnes membres de la CECAM peut également être prise en compte comme garantie.

    • Pour limiter les risques de litige, le preneur est seul responsable du choix et de l'achat du bien (et tout particulièrement dans le cas des animaux)

    • Les modalités de paiement du loyer sont étudiées en fonction de la valeur du bien et de la trésorerie prévisionnelle de l'emprunteur et sont formalisées par contrat. L'emprunteur verse un premier loyer correspondant à 25 % de la valeur initiale du bien. Le taux d'intérêt appliqué varie entre 24 et 30 % par an, pour une durée maximale de 36 mois. L'intérêt est calculé sur le montant restant dû.

    • La procédure fait l'objet d'un suivi régulier par les élus de la CECAM locale.

    En dix ans, les CECAM ont souscrit 20 000 contrats de LVM au bénéfice de 10 000 membres.

    Dans 93 % des cas, le contrat a été honoré sans défaillance.

    Source : d'après Wampfler B., BIM du 11/6/2002, actualisé en 2005.

    Le crédit-bail proposé par la Grameen pour les micro-entrepreneurs

    La Grameen Bank a démarré en 1992 un programme de crédit-bail expérimental, destiné à fournir à bail des métiers à tisser électriques aux tisserands d'une zone de Dhaka. En 1994 la Banque décide d'étendre son activité de leasing à toutes les zones. Fin 1997, la Banque a prêté à bail 8 411 biens correspondant à 111 catégories différentes.

    Le taux d'intérêt pratiqué est de 20 pour cent par an. La durée maximum du contrat est fixée à trois ans (dans le cas d'animaux, la limite est de deux ans). Le preneur doit acquitter des paiements hebdomadaires et dispose d'un mois (15 jours pour les animaux) à compter de la date de réception du bien loué pour commencer ses versements. Le preneur peut soit acquitter le montant dû en effectuant des versements de montant égal, soit choisir de verser des montants différents selon les périodes (période creuse : 100 takas minimum, pleine saison : montant supérieur aux versements moyens). Il peut également rembourser le montant total ou une partie du montant de la valeur du bail à tout moment.

    Le crédit-bail est octroyé sur une base individuelle et non à un groupe. Les clients doivent satisfaire à un certain nombre de conditions (client au troisième cycle de prêt, doit disposer d'un lieu où stocker le bien, doit avoir – lui ou un membre de sa famille – une expérience préalable de la gestion du bien, etc.). Il n'existe pas de liste prédéfinie d'activités pouvant être financées via un crédit-bail. La décision est prise au cas par cas.

    Le produit de crédit-bail de la Grameen diffère de ses produits de prêt à plusieurs titres :

    • Il n'y a pas de commission de groupe. Or la commission est généralement mal perçue par les clients car considérée comme une ponction cachée augmentant le coût du crédit.

    • Le crédit n'est pas fongible, le client ne recevant pas de l'argent mais un bien.

    • Les candidats ne sont retenus que s'ils disposent d'une source de revenu supplémentaire et ont la capacité de stocker le bien loué.

    • A l'exception du crédit à l'habitat et de certains crédits saisonniers, tous les autres crédits sont court terme (un an) alors que le crédit-bail est octroyé à plus d'un an.

    • La période de grâce dans le cas du crédit bail est d'un mois tandis que pour les autres crédits le premier paiement doit intervenir dans la deuxième semaine à compter de l'octroi.

    • Le preneur peut s'acquitter du montant avant l'expiration du contrat de bail et le montant des versements peut être variable selon les saisons.

    • Le bien loué peut être assuré, ce qui protège à la fois le preneur et le bailleur de certains risques.

    Le programme de crédit-bail a rapidement rencontré beaucoup de succès auprès des emprunteurs de la Grameen et a connu une très forte croissance (1 297 % de croissance entre 1994 et 1998). Le taux de remboursement a légèrement diminué avec le temps (de plus de 100 % à 98 %) mais reste du niveau de ceux des autres produits de la Grameen. Un autre indicateur est le nombre d'emprunteurs qui ont acquis la propriété des biens au terme des contrats de bail. Le ratio est de 14,5 % (1214 biens acquis sur les 8411 loués).

    Même si elles ne semblent pas remettre en cause cette réussite, le programme connaît quelques difficultés. La plupart sont dues au fait que les agents de la Banque ne suivent pas les règles et procédures définies dans les circulaires officielles. Le problème le plus courant est celui des impayés. Celui-ci n'est cependant pas propre au crédit-bail.

    Le succès du programme peut s'expliquer par la souplesse du produit proposé. Comme on l'a vu le client peut rembourser tout ou partie du montant dû à tout moment. Il peut ainsi profiter de conditions économiques favorables pour solder le contrat et devenir éventuellement propriétaire de l'actif beaucoup plus rapidement que stipulé. Par ailleurs, certains analystes avancent que le succès d'une microentreprise dépend de l'existence d'intrants complémentaires comme l'existence d'une petite propriété foncière familiale, d'une main d'œuvre familiale et d'une base d'actifs non négligeable. Les conditions auxquelles doivent satisfaire les emprunteurs pour obtenir un crédit-bail sont telles que le crédit-preneur possède de fait généralement ces intrants supplémentaires. Ainsi la situation initiale du preneur contribue elle-même déjà au succès du programme de leasing. Le leasing est aussi un moyen pour la banque de récompenser les bons emprunteurs. La méthodologie de crédit solidaire à des groupes ne permet pas de distinguer les emprunteurs au profil « entrepreneurial » des autres, et de leur faire profiter de prêts plus importants et plus souples. Avec le leasing, ces clients sont automatiquement récompensés. L'introduction du crédit-bail en tant que produit supplémentaire et non dans le cadre d'une nouvelle structure, type société de leasing, a également été un avantage. La Grameen a tiré profit de son vaste réseau et des infrastructures existantes pour étendre son programme. Le succès de ce programme montre, si besoin était, que les pauvres ont des besoins de crédit diversifiés.

    Source : Barlet K., BIM du 3/04/2001

    Leasing et rétro-leasing pour de petites producteurs agricoles : ANED (Bolivie)

    L'Asociacion Naciaonal Ecumenica de Desarollo (ANED) est une institution de microfinance fondée en 1978 par 11 ONG œuvrant au développement rural en Bolivie. Elle a pour objectif de fournir un accès au crédit aux populations rurales pauvres appuyées par ces ONG. Elle compte 24 branches, réparties dans 8 des 9 régions du pays. Son portefeuille de crédit était en 2000 de 7,4 millions US$, dont 75 % était octroyés à l'agriculture.

    Le système de crédit de l'ANED est fondé sur le petit crédit solidaire. Confrontée aux demandes de financement d'équipement agricole, l'ANED a d'abord tenté d'y répondre par cette voie, mais a connu des échecs importants (impayés, endettement des ménages, ...). Le leasing est expérimenté depuis 1997, dans le cadre d'une phase pilote, sous deux formes :

    • le leasing simple : l'ANED achète l'équipement et le remet à l'emprunteur, qui le paye par des loyers.

    • le rétro-leasing : l'emprunteur vend à l'ANED un bien qui lui appartient et utilise la somme reçue pour des investissements productifs ; l'ANED rétrocède ensuite le bien à l'emprunteur par une formule de leasing.

    En 2000, le portefeuille de leasing de l'ANED était de 505 671 US$, soit 7 % de son portefeuille total, au bénéfice de 481 emprunteurs de 6 régions. 95 % des contrats ont porté sur de l'équipement agricole, avec une dominante de tracteurs et motopompes. Le profil type de l'emprunteur est le producteur laitier souhaitant moderniser sa production de fourrage par l'achat d'un tracteur. La prestation de service avec le matériel acheté en leasing est également encouragée.

    La sélection des bénéficiaires est réalisée par les techniciens de l'ANED. Les critères de sélection portent sur :

    • le respect des engagements de l'emprunteur dans ses relations antérieures avec l'ANED ;

    • l'analyse du projet économique : les revenus du projet doivent permettre de payer les loyers du matériel ; les autres activités économiques du ménage ne sont que secondairement prises en compte pour donner de la flexibilité à l'évaluation ; les loyers ne doivent pas dépasser 30 % du revenu total de l'emprunteur ;

    • le degré de maîtrise technique de l'emprunteur : au final, sont privilégiés les « paysans expérimentés », insérés dans une filière de production organisée (notamment, les producteurs laitiers ayant un contrat de commercialisation avec une laiterie).

      Plusieurs types de mesures visent à limiter la prise de risque de l'ANED :

    • l'emprunteur doit autofinancer 25 % de la valeur initiale du bien.

    • la durée du leasing varie selon l'équipement (2 ans pour une motopompe, 5 ans pour un tracteur), mais doit dans tous les cas, être inférieure à la durée d'amortissement du matériel.

    • Un contrôle fréquent de l'état du matériel est réalisé par les techniciens de l'ANED

    Pour améliorer l'environnement du leasing, l'ANED développe des relations contractuelles avec des institutions assurant la formation technique des agriculteurs, ainsi qu'avec des fournisseurs de matériel agricole, assurant le service après vente et la maintenance du matériel.

    Le programme pilote a connu deux années favorables, puis quelques problèmes de remboursement liés à une détérioration des prix agricoles, notamment dans la production maraîchère, moins organisée que la filière laitière.

    De nombreuses questions restent en suspend quant à la viabilité et à l'extension du programme :

    • pour limiter les risques de défaillance, l'ANED privilégie l'achat de matériel neuf, ce qui conduit à des coûts élevés, des loyers incompatibles avec les revenus de la plupart des agriculteurs et une demande pour les produits de leasing qui stagne

    • le coût du contrôle réalisé par des salariés de la structure est élevé

    • le taux d'intérêt pratiqué est de 16 % ; ce taux ne couvre pas les frais de gestion de l'ANED ; la formule de leasing n'est pour l'instant viable que parce que l'ANED a accès à des ressources concessionnelles.

    Source : Wampfler B., BIM du 11/06/2002 et Roesch M., BIM du 26/04/04

    Pour en savoir plus

    Documents de référence généraux :
    Bass, J. & Henderson, K., Crédit-bail : une nouvelle option pour les institutions de microfinance, USAID, Note technique, (6), 2000 : http://www.lamicrofinance.org/files/15471_Note_6Cr_ditBail_DEF.pdf

    « Crédit-bail et marchés émergents », résumé analytique, sur le site d'IFC (en anglais): http://www.ifc.org/publications/pubs/loe/loe3/esf_3/index.html

    Exemples de services de leasing développés par les IMF :
    Pierret, D., L'expérimentation du crédit bail au sein du réseau RAMPE (BIM), 2003 : http://microfinancement.cirad.fr/fr/news/bim/Bim-2003/BIM-08-07-03.pdf

    Lapenu,C. & Wampfler B., Financer l'investissement à moyen terme : exemples et enseignements des expériences de leasing des CECAM (Madagascar) et de l'ANED (Bolivie) , (BIM) 2002 : http://microfinancement.cirad.fr/fr/news/bim/FichDak3Leasing.pdf

    Wampfler B., Enseignements des expériences de leasing des CECAM (Madagascar) et de l'ANED (Bolivie), BIM, 2002 : http://microfinancement.cirad.fr/fr/news/bim/Bim-2002/BIM-11-06-02.pdf


    Le leasing en milieu rural
    Roesch, M., Le leasing : un outil de finance rural sous-utilisé (BIM) , 2004 : http://microfinancement.cirad.fr/fr/news/bim/BIM-2004/BIM-22-09-04.pdf
  • Crédit à l'habitat

    Enjeux pour les IMF

    Le financement de l'habitat des populations à faibles revenus est un enjeu économique et so-cial majeur dans les pays en développement comme dans les pays riches. En Europe, les Etats ont tenté de répondre à ce problème par la construction de logements sociaux largement sub-ventionnés. Dans les pays du Sud, les pouvoirs publics ont généralement une action très limi-tée. La croissance des villes, en raison d'un fort taux d'accroissement naturel et un exode rural très important, y est rapide et désorganisée. Des quartiers populaires précaires se créent sans suivre un plan d'urbanisme dans des conditions sanitaires parfois déplorables.

    L'habitat joue un rôle fondamental dans la réduction de la pauvreté par les effets en chaîne qu'il induit en créant de meilleures conditions de santé notamment. Par ailleurs, la possibilité de disposer d'un espace sécurisé peut constituer le point de départ du développement écono-mique du ménage en permettant la création d'une activité. Une proportion significative d'activités de l'économie informelle dans de nombreuses villes est en effet liée à l'espace du logement.

    Le financement de l'habitat social représente un enjeu grandissant pour les IMF. En 2002, on estimait que 150 IMF offraient des produits d'habitat à leur clientèle pauvre. Cet intérêt croissant a plusieurs explications.

    • Certaines IMF en recherche de nouveaux marchés, ont compris que le crédit habitat pouvait être proche de leur méthodologie de microcrédit classique

    • Des collaborations se construisent dans certains pays entre des structures de financement et des programmes spécialisés sur les techniques de construction innovantes et peu chères.

    • Certaines banques commerciales classiques ou réseaux coopératifs d 'épargne et de crédit considèrent que le crédit habitat s 'approche davantage de leur métier d 'origine que les microcrédits classiques

    • Des bailleurs de fonds de plus en plus soucieux de l 'impact social des IMF, s'intéressent au crédit habitat pour lequel l'impact sur le bien –être des familles est évident.

    • Enfin le constat d 'échec des politiques du ' tout subvention ' pour l 'habitat, oblige à trouver des solutions alternatives au problème de l'accès des populations à un habitat décent.

    Pour comprendre

    Le financement de l'habitat offert par des IMF correspond généralement à des crédits successifs de relativement faible montant pour une amélioration progressive de l'habitat, calés sur les pratiques d 'auto-construction des habitants, par opposition au financement classique de l 'habitat qui vise le logement neuf et abouti, avec garantie hypothécaire.

    TABLEAU COMPARATIF DES METHODOLOGIES DE CREDIT

    Crédits aux Microentrepreneurs Crédit habitat par les IMF Crédit habitat classique
    Le crédit impacte sur le revenu Le crédit impacte sur la valeur des actifs et parfois sur le revenu Le crédit impacte sur la valeur des actifs et parfois sur le revenu
    Montant de crédits : en général < 500 US$ Montant : de 200 à 1 500 US$. Ils financent des améliorations progressives de l'habitat Montant : > 1 000 US$. Ils financent une construction achevée
    Pas de suivi de l'utilisation effective du crédit Parfois un accompagnement dans la construction/réhabilitation Dépend des programmes
    Méthodologie de crédit de groupe ou individuel Rarement méthodologie de groupe. Pas de garantie hypothécaire. Caution mo-rale/garanties/biens domestiques. Sécurisation foncière vérifiée Crédit individuel. Garantie hypothécaire. Titre de propriété exigée
    Durée : excède rarement 24 mois Durées entre 2 et 15 ans. Généralement 3 ans Durée généralement > à 10 ans

    On distingue deux approches du financement de l'habitat :

  • Le financement de l'habitat non subventionné.

    Financer l'habitat en dehors de toute subvention revient à proposer des produits d'épargne et de crédit relativement classiques dans une optique qui rejoint celle du financement d'activités génératrices de revenus. Des IMF comme Sewa Bank (Inde) et Grameen Bank (Bangladesh) ont diversifié leurs produits de crédit vers l'habitat en définissant des conditions proches de leurs produits classiques : crédits de petite taille pour la rénovation progressive ou la construction d'un habitat de base, durée de recouvrement relativement courtes (deux ans maximum), peu ou pas de subvention, garanties adaptées (formes alternatives de titres de propriété), mobilisation très progressive de l'épargne.

    Ce type de crédit est utile notamment pour financer des améliorations successives de leur logement, ce qui correspond au mode d'investissement naturel de beaucoup de ménages pauvres dans les pays en développement.

    En revanche, pour l'acquisition d'un habitat de base, où l'investissement initial est élevé, on reproche généralement à ce type de programme d'habitat son faible impact dans la mesure où les populations les plus pauvres ne peuvent avoir accès à ces produits qui nécessitent une forte capacité d'épargne.

  • Le financement de l'habitat subventionné.

    Lorsque l'objectif est de toucher des populations pauvres pour un habitat de base, la nécessité d'un recours à la subvention pour atteindre les derniers déciles de revenus est aujourd'hui largement admise, y compris au sein des Agences de Développement Multilatérales. Mais dès lors qu'une composante subvention est introduite, ce type de financement devient beaucoup plus complexe à gérer pour l'institution de microfinance car il n'est plus possible d'aborder le crédit habitat sous un angle purement financier et privé. Des considérations techniques et politiques sont à intégrer.

    L'Etat ou les bailleurs de fonds peuvent jouer un rôle majeur dans le développement de ce type d'activité soit par la mise en place de ressources longues à taux concessionnels, soit directement par le biais de subventions.

      Risques / recommandations

      Le financement de l'habitat représente un potentiel intéressant pour les IMF mais le développement de ces produits se heurte néanmoins à un certain nombre de difficultés.

      La sécurisation foncière : un préalable à l'investissement dans le financement de l'habitat?

      En théorie, la sécurisation foncière est un processus légal qui passe par des espaces lotis, un processus d 'attribution des lots (titre de propriété), et un marché foncier. L'approche classique du financement de l'habitat s'appuie sur cette conception : l'obtention d'un titre de propriété est un préalable.

      Dans les pays en développement, ce processus est rarement abouti. Ceci renvoie à la question de savoir si les IMF doivent s'engager ou pas sur les problèmes de sécurisation foncière. La plupart des IMF refusent de s'y engager parce que ce n'est pas leur métier et qu'elles n'en ont pas les moyens. Faut-il pour autant s'abstenir de faire du crédit habitat en l'absence de sécuri-sation foncière ? La position de beaucoup d'IMF comme Mibanco au Pérou (cf. étude de cas)est de dire que l'investissement dans l'habitat (construction en dur, réhabilitation) est un moyen de renforcer la sécurisation foncière car il est plus difficile pour des autorités de dé-guerpir des habitants ayant fait des travaux dans leur habitat que des habitants vivant dans des habitations précaires et provisoires. Sans pour autant s'impliquer dans des actions de lobbying par rapport au foncier, il est recommandé que les IMF s'assurent que leurs clients sont dans un début de sécurisation foncière : assurance pour l'usager qu'il ne se fera



    • 19/04/2007
      0 Poster un commentaire

      Inscrivez-vous au blog

      Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

      Rejoignez les 23 autres membres